XXe -XXIe siècles
Pour comprendre une religion, il faut penser dans la langue de ceux qui l’ont vécue. Jean Rudhardt applique cette méthode, en étudiant un champ limité de la religion grecque. Noms communs thémis signifie à peu près l’équité, hôrai, les saisons, eunomia, la bonne organisation, diké, la justice, eiréné, la paix. Ces mots nomment aussi des déesses. Les modernes sont enclins à les tenir pour des notions divinisées. L’étude des textes nous donne une autre vision des choses. Les noms de ces divinités ne signifient pas des notions mais des sentiments: ceux que l’homme éprouve quand s’imposent à lui les exigences de la justice ou de la paix.
Avec les premières études industrielles présentées dans cet ouvrage, nous entrons dans le monde des artisans inventeurs de la Belle Epoque, période de primauté de la France dans le secteur de l’automobile, avec déjà un début d’internationalisation et les premières défaillances. Le tableau suivant est celui des Trente glorieuses, apogée de l’automobile française, avec toutefois des parcours très différents pour Renault, Peugeot ou Citroën et une forte concurrence étrangère installée en France (Ford et Simca), dans une période marquée aussi d’incertitudes en matière de stratégies. Tout au long de cet ouvrage, défilent les grands noms de l’automobile, alternant périodes fastes et moins fastes, mais ces études anciennes font aussi revivre des constructeurs plus ou moins oubliés comme Darracq, Mors, Brouhot, Delahaye, Latil, Mathis...
La collection “Archives économiques du Crédit lyonnais” vise à mettre à disposition d’un public s’intéressant à l’histoire économique - universitaires, étudiants, hommes d’entreprise, simples amateurs - des études anciennes réalisées par le service des Etudes financières du Crédit lyonnais ; ces études portent sur des secteurs d’activité, sur des entreprises ou sur la situation économique de différentes régions du monde. Le lecteur garde le plaisir du contact direct avec des documents mis en perspective par un historien spécialiste du secteur.
Ce livre est un enquête sur l'invention de l'idée matriarcale. Immense rêverie érudite sur l'émergence du masculin à partir du règne des mères, mêlant le mythe à l'histoire, le Droit maternel de Johann Jacob Bachofen (1861) apparaît comme la plus ancienne théorie du "stade matriarcal". Pour comprendre la genèse d'une telle hypothèse visionnaire, les auteurs ont pénétré dans l'atelier du grand bourgeois savant et secret que côtoie Friedrich Nietzsche. Ils ont déchiffré, dans les archives consacrées à Bâle, ses notes de lecture et ses esquisses, parfois monumentales. C'est ainsi qu'ils présentent, entre autres, le contenu inédit d'un ouvrage antérieur demeuré inachevé, L'Ancienne Italie, où s'opère la cristallisation du système. Ce livre, fruit d'un travail d'équipe, est le premier consacré en français à la théorie de Bachofen.
L'univers de simulacres déployé par Pierre Klossowski ne se comprend bien qu'à partir de sa singulière méditation de philosophies apparemment contradictoires : Nietzsche, Sade et la tradition gnostique par exemple; ou encore, Fourier et Walter Benjamin. Les études ici réunies à l'occasion de deux expositions, à Vienne et à Genève, consacrées au dessinateur examinent cette subversion des grands ancêtres d'où est sortie l'originalité de l'imaginaire klossowskien. Elles tissent des liens entre la théorie du signe de Klossowski et sa pratique du style, entre les tableaux imaginaires qui peuplent ses récits et les dessins réels qui s'en sont évadés pour, au-delà de toute illustration, vivre de leur vie propre. Ces études visent, enfin, à dégager la cohérence d'une oeuvre qui a parfois dérouté par la multiplicité et la richesse de ses formes.
Articles de Jean-Claude Bonnet, Denis Hollier, Andreas Pfersmann, Philippe Roger, Gabriele Sorgo, Robert Pfaller, Daniel Wilhem, Jean Decottignies, Patrick Amstutz, Chantal Thomas, Françoise Levaillant, Michal Jakob, Jean-Maurice Monnoyer, Jean Roudaut, Otto Pfersmann, Laurent Jenny.
Pour la distribution en France : www.harmoniamundilivre.com
L’Usage du monde est le récit d’un voyage qui dura dix-sept mois, au début des années 1950, de Yougoslavie à l’Afghanistan. Depuis trente-cinq ans il ne cesse d’inspirer les écrivains-voyageurs. La délicate préface d’Alain Dufour, l’ami éditeur, nous fait assister à la genèse et à la composition du chef-d’œuvre de Nicolas Bouvier ; un choix de lettres et de reproductions illustre l’amitié de l’écrivain et du peintre, vagabonds de par le monde. Nicolas Bouvier (1929-1998) et Thierry Vernet (1927-1993) aimaient tous deux le silence la plume à la main, pour deux usages qu’ils ont ardemment souhaités liés, puisqu’ils réalisaient un projet d’enfance commun. L’écrivain se qualifiait lui-même d’ “écrivain-voyageur” et de “chasseur d’images” : c’est en réalité un grand écrivain, dont chaque phrase, parfaite, lisse, coulante, vous saisit ou vous fait rêver. Thierry Vernet, l’artiste complice, décrit les mêmes instants, les mêmes personnages avec l’encre apparemment austère de l’intégrité. En l’honneur du 75ème anniversaire de sa création, la Librairie Droz, réédite à l’identique l’édition originale qu’elle a publiée en 1963, avec tous les dessins de Thierry Vernet.
Extraits d'un article paru dans "Le Temps" du samedi 25 septembre 1999:
Pour ses 75 ans, l'érudite maison genevoise s'offre deux bibles : son catalogue complet et "L'Usage du monde" en v.o.
DROZ EN FÊTE RÉÉDITE BOUVIER
"En octobre 1963 paraissait chez Droz la première version d'un récit de voyage destiné à devenir un livre culte : L'usage du monde, lente fermentation de dix-sept mois passés sur les routes, entre la Yougoslavie et l'Afghanistan.(...) L'usage du monde est aujourd'hui repris à l'identique sous la belle couverture à barreaux noirs dessinée par Vernet, enrichi d'une préface sensible d'Alain Dufour qui trace le portrait du futur écrivain en conteur précoce et qui évoque tous les aléas de la difficile naissance du livre, heureusement suivie d'un immédiat succès de vente. Un choix de lettres de Bouvier le montre complice en amitié et proche des siens par la pensée."
Isabelle Martin
Trente-deux études - pour trente-deux pièces d'ébène et d'ivoire - sont consacrées aux poètes (Eliot, Borges, Roubaud), auteurs de théâtre (Yeats), de bande dessinée (Hergé), et romanciers, d'expression française (Segalen, Roussel, Beckett, Gracq, Ouologuem, Caillois, Gary, Perec, Séry), anglaise (Poe, Carroll, Hardy, Faulkner), espagnole (Cortázar, Arrabal), italienne (Boito, Bontempelli, Calvino, Maurensig), allemande (Zweig, Dürrenmatt), et russe (Nabokov). Alors que trois essais préliminaires soulignent les apports déterminants de la poétique mallarméenne, de la linguistique saussurienne et de la philosophie wittgensteinienne pour l'élaboration d'une réflexion de la modernité accordant une place centrale au registre ludique, la très riche thématique échiquéenne au cinéma est également présentée par deux études sur le Russe Wsevolod Poudovkine et le Suédois Ingmar Bergman. La préface de George Steiner donnant au tout une ouverture de grand maître.
Extraits d'un article paru dans "Le monde" du 1er janvier 1999 : L'ECHIQUIER INVISIBLE, "(...) Quiconque souhaite en apprendre un peu plus sur les étranges et multiples liens tissés entre l'art, la philosophie et les échecs se procurera aussitôt ces Echiquiers d'encre publiés sous la direction de Jacques Berchtold, professeur à l'université de Genève, qui a réuni dans ce volume trente-deux études consacrées aussi bien à Descartes qu'à Lewis Carroll, à Mallarmé qu'à Beckett, à Zweig qu'à Hergé, à Poudovkine qu'à Ingmar Bergman. (...) Une question n'a cessé de hanter tous les forcenés des échecs : contre qui joue-t-on? Quelle est l'identité de l'Adversaire essentiel, à la fois familier et inquiétant, à la fois reflet de soi-même et altérité énigmatique, dont on pressent qu'il aura finalement le gain de l'ultime partie décisive? C'est à cette question que tente de répondre Jacques Berchtold en convoquant la Mort, comme on le fit au Moyen Age, ou le Diable, comme le suggère la tradition romantique."
Roland Jaccard **********************************************************
Extraits d'un article paru dans "24 heures", le mardi 15 décembre 1998: QUAND LE JEU DES ROIS FÉCONDE LES CASES LITTÉRAIRES, "Echiquiers d'encre est un ouvrage collectif qui réunit des études fascinantes sur les rapports obliques entre échecs et littérature. Ces 32 études (écho aux 32 pièces du jeu d'échecs) réunies sous la direction de Jacques Berchtold, professeur d'université et brillant maniaque, qui signe une passionnante introduction multipliant les pistes parallèles, n'ont pas à être lues linéairement. Mais sont plutôt à parcourir cavalièrement, à la manière d'un répertoire de parties, pour découvrir les mille et une façons de réfléchir les échecs dans le miroir des lettres : symbolisme des pièces, jeu de la métaphore, système clos sur lui-même, analogie dialectique, notions de règles et autres combinaisons savantes qui rendent cette confrontation fructueuse.
(...) Fouillées, savantes, voire alambiquées comme un mat en treize coups, ces études à cheval sur les cases les plus folles (...) révèlent également l'aptitude royale des universitaires à créer des problèmes insolubles, mais truffés de variantes infinies." Boris Senff.
Ce livre réunit une dizaine de romans appartenant aux littératures française, allemande, russe et "austro-hongroise", en particulier A la recherche du temps perdu, L'homme sans qualités, La montagne magique et La conscience de Zeno, qui mettent en scène, avec souvent la même lucidité, la même angoisse et le même humour, l'Europe de l'avant-guerre de 1914. C'est la notion hégélienne de conscience malheureuse qui permet de poser les problématiques communes à ces oeuvres: Historique, du rapport à une époque révolue ; sociologique, du statut ambigu de l'intellectuel, "aimant dans un champ de forces", ni maître ni esclave; politique, du refus de la "citoyenneté" hégélienne; religieuse, du mysticisme sans Dieu; psychologique, du subjectivisme et du dédoublement tragiques. Cette conscience malheureuse semble s'incarner, d'un roman à l'autre, dans plusieurs formes et techniques littéraires privilégiées: temporalité de l'éternelle attente; recours constant à l'exégèse analytique et grossissante, ainsi qu'aux équivalences paradoxales; formes originales d'intégration de l'essai à une trame narrative; cheminement plus ou moins initiatique du récit vers un dépassement de la conscience malheureuse, ce moment coïncidant, de manière paradoxale, avec les bouleversements apportés par la guerre.
En s'appuyant sur neuf auteurs et leurs oeuvres, Philippe Chardin traite dans cet ouvrage de ces romans composés après-guerre et qui se réfèrent tous à cette période perdue qu'est le début du siècle. Le climat de ces romans de la conscience malheureuse est le malaise lié à cette époque (1880-1914), qui n'était pas seulement celle de la Grande Gaieté, mais aussi et parallèlement, celle d'une vive angoisse ; époque s'achevant par la guerre, qui donna une dimension nouvelle à tous ces romans alors en gestation. Le lecteur découvrira dans l'étude comparée des neuf ouvrages (A la recherche du temps perdu, Les Thibault, L'Homme sans qualités , Les Voyageurs de l'Impériale, La Vie de Klim Samguine, La Montagne magique, Les Somnanbules, La Marche de Radetsky, La Conscience de Zeno) de nombreux points de convergence ; ainsi mettent-ils tous en scène les membres des classes dominantes et des intellectuels aisés...